Localtis - Comment vous est venue l'idée de demander à expérimenter une départementalisation des infirmières scolaires au collège ?
Jean-Luc Gleyze - Pour cinq nouveaux collèges que nous allons ouvrir à la rentrée prochaine en Gironde, l'État ne propose de mettre à disposition qu'une seule infirmière scolaire. Autant dire que c'est une dotation largement insuffisante. Aujourd'hui, on est plutôt sur une infirmière pour deux collèges. Mais il faudrait pratiquement une infirmière par collège pour faire correctement le travail. Quand vous avez des collèges avec 700, 800 ou 900 gamins, il faut quelqu'un qui soit présent en permanence. Il y a toujours un des enfants qui a un problème particulier et qu'il faut accueillir à l'infirmerie.
Dans le cadre du projet de loi 3DS, le gouvernement avait envisagé le transfert de la médecine scolaire aux départements, avant de faire machine arrière (lire notre article du 11 janvier). Comment interprétez-vous cette attitude ?
Cette loi, que je n'appelle pas 3DS mais loi E, pour loi Épicerie, se voulait un grand acte de décentralisation, mais a été progressivement déshabillée de toute vision politique de ce que devrait être une nouvelle étape de décentralisation. À partir de là, on est sur des petits bouts de sujets divers et variés, qui concernent tantôt les routes, tantôt l'autorité fonctionnelle sur les gestionnaires de collège, alors que la vraie question était de voir ces gestionnaires de collège intégrer les personnels départementaux. C'est une cote mal taillée qui a été proposée et toute la loi est à l'avenant, avec des demi-réponses à de vraies questions. C'est quelque chose de complètement insatisfaisant. La question des infirmières scolaires a été abordée à un certain moment puis a disparu de la loi. J'imagine que les syndicats d'infirmières scolaires n'étaient pas d'accord sur le transfert aux départements. Mais c'est au gouvernement de dire pourquoi il a enlevé ce sujet du texte...
In fine, la ministre de la Cohésion des territoires s'est déclarée favorable à un amendement prévoyant l'élaboration par le gouvernement d'un rapport "retraçant les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements". L'État a donc laissé la porte ouverte sans toutefois lancer d'appel à expérimentation…
Effectivement, ce qui avait été lancé, c'est l'idée que la santé scolaire puisse arriver dans le giron des départements. Donc, comme la loi s'est arrêtée en cours de route et a laissé ce sujet de côté, l'idée de notre motion est de dire que l'on veut bien revendiquer cela.
Pourquoi cette revendication ?
L'optique de départ est de réclamer l'expérimentation parce que nous défendons un service public départemental de prévention. Nous avons pour mission la promotion et la prévention de la santé, qui est une mission régalienne [sic] des départements. Nous commençons avant la naissance et immédiatement après la naissance avec la protection maternelle et infantile. Ensuite, nous assurons normalement les examens de santé scolaire en école primaire. Mais après, nous ne voyons plus les enfants car nous n'avons plus cette responsabilité. Je souhaite donc qu'on construise un service départemental de prévention de la santé de la naissance à l'âge adulte. Pour cela, il faut que ce passage scolaire, aujourd'hui hors de nos radars, nous permette de réinvestir ce champ. C'est la raison pour laquelle nous demandons à expérimenter la santé scolaire pour les collégiens. Mais pas à n'importe quel prix. Il faut savoir ce que signifie répondre correctement aux enjeux de santé scolaire de ces jeunes. Cela implique de savoir de combien de postes d'infirmières nous avons besoin et quel est le coût induit.
Vous ne revendiquez donc pas uniquement la compétence en matière de santé scolaire au collège, mais aussi un travail d'évaluation sur le niveau d'investissement nécessaire en la matière…
L'idée est de démontrer à l'État que les moyens sont aujourd'hui insuffisants. Et si nous pouvons accepter une expérimentation, cela sous-entend que préalablement nous ayons défini la réalité des besoins qui aujourd'hui ne sont pas suffisamment couverts par l'État. Derrière la demande d'expérimentation et de décentralisation, il y a avant tout une demande de remise à niveau ou, en tout cas, d'estimation de ce que doit être le bon niveau de service public en matière de santé scolaire. À partir de là, nous dirons à l'État, nous prenons la santé scolaire à telle hauteur, donc vous devez nous donner les moyens correspondants. Ce que je refuserais, c'est que le gouvernement nous transfère la santé scolaire dans les collèges à la hauteur de ce qu'elle est aujourd'hui. Cela voudrait dire que, comme elle est actuellement carentielle, nous aurions demain à assumer le différentiel. De cela, il n'est pas question. Soit nous nous entendons sur le bon niveau pour garantir ce service public, auquel cas on nous transfère les charges mais aussi les recettes, soit nous ne nous entendons pas là-dessus. Et ce serait alors une réponse négative de notre part.
Dans votre motion, vous évoquez aussi les médecins scolaires en avançant qu'ils sont beaucoup moins nombreux, puisque vous comptez moins d’un médecin pour 12.000 enfants en moyenne, et qui le seront de moins en moins au regard des départs à la retraite et de la faible attractivité de ces postes. Comment les placez-vous dans le dispositif ?
Les médecins font partie de l'approche globale. L'idée est d'être suffisamment outillé dans chaque collège pour assurer une prise en charge correcte des enfants. Ces jeunes peuvent avoir mal au ventre et demander à rester couchés une demi-journée, mais il faut aussi leur offrir des moments d'approche autour de la santé mentale et notamment les problèmes psychologiques qu'ils peuvent éprouver, ainsi qu'une sensibilisation aux questions des maladies sexuellement transmissibles. C'est un moyen d'opérer une prévention autour de la santé au travers d'un entretien privilégié en tête à tête dans un lieu confidentiel au sein du collège. Certains enfants se livrent à ce moment-là. C'est vraiment toute l'offre de santé scolaire qu'il faut prendre en compte et y adosser des moyens humains et, bien évidemment, financiers.
Les infrastructures pour faciliter cette prise en charge suivent-elles dans les constructions de collèges que vous avez lancées ?
J'ai inauguré un certain nombre de collèges récemment et je devrais en inaugurer d'autres à la rentrée prochaine. Tous les collèges que nous livrons comprennent des locaux qui permettent d'avoir à la fois un bureau pour une infirmière et une salle de consultation, une infirmerie qui garantisse la bonne prise en charge.
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